Irène et la maison //2//

16 septembre 2011 § 1 commentaire

Les jours et les semaines ont passé. Irène est comme un poisson dans l’eau dans le village de sa tante. Elle connait tout le monde. Elle passe boire un petit café de temps en temps chez Aimé, qui essaie toujours de lui faire boire de la goutte. La première fois, elle n’avait pas osé refuser, elle s’était retrouvée à dormir par terre devant sa maison, ivre morte. Depuis elle refuse poliment,  et Aimé en boit double dose.

Pour cet hiver, Gilberte lui donne des cours de jardinage de légumes, et de mise en bocal. Irène est une élève assidue, elles ont cueilli, équeuté et cuisiné 135 bocaux d’haricots verts ensemble. Gilberte l’adore, elle lui raconte toute la vie du village, depuis les années trente. Irène n’a pas envie de parler depuis qu’elle est arrivée là, alors le quotidien avec ses vieux amis bavards lui convient parfaitement.

Avec Odette, la femme d’Aimé, elle nourrit les ânes, les soigne. Elles parlent rhumatismes et rutabagas. Irène a l’impression d’être dans une émission de télévision dans laquelle on doit s’acclimater à la vie de quelqu’un, de préférence très éloignée de la sienne. Mais il n’y a pas l’ombre d’une caméra dans le village d’Irène.

Elle rentre chez elle le soir, souvent tard. Mais elle se lève tôt, elle s’occupe de son jardin, vaque dans la maison, regarde, furète, se félicite de cette nouvelle étrange vie, si loin de ses préoccupations d’avant.

La nuit, la présence la laisse davantage dormir. Mais elle est bel et bien là. Parfois, Irène se lève en pleine nuit, elle entend des bruits. Des bruits de fête, des éclats de voix. Souvent le samedi soir. Elle se rend alors dans le salon, mais il n’y a rien. Personne : seulement les bruits de verres qui s’entrechoquent, les voix enfumées, la musique. Irène se sent seule dans ces moments-là, elle se dit que ses amis lui manquent, et que les fantômes s’amusent beaucoup mieux qu’elle. Elle part alors se recoucher, avec les boules quiès que lui a prêté Gilberte enfoncées dans les oreilles.

L’autre ennui d’Irène, mis à part ces fêtes où elle n’est pas conviée, c’est l’écriture. Elle s’était dit qu’elle allait pouvoir écrire, au calme, proche de la nature. Mais il n’en est rien. Elle est vidée, sèche. Chaque matin, elle essaie de se mettre au travail, mais chaque matin son imagination s’est enfuie. Elle avait des tas de choses à dire, avant. Elle est muette désormais. Elle se dit que c’est le temps de l’acclimatation, que ça va revenir. Elle a pensé un instant vendre cette maison et retourner d’où elle vient, dans la ville frénétique, mais non, elle ne peut s’y résoudre. Ce serait comme un sale échec.

Alors elle continue sa vie de retraitée. Les bocaux, la goutte, les ânes. Elle s’habitue à ce doux ennui, aux fêtes nocturnes sans elle, à sa gentille solitude.

Un matin, alors qu’elle essaie une énième fois de se mettre à écrire à son ordinateur, elle découvre quelque chose. Comme elle s’ennuie, la feuille désespérément blanche face à elle, elle décide de regarder d’anciens textes, écrits du temps de l’inspiration. Dans les fichiers récents, elle en découvre un. Elle est pourtant sûre de n’avoir jamais écrit de texte avec ce titre : « Lucie Malroux ». Irène commence à frémir doucement. Elle regarde autour d’elle. Elle se demande si elle rêve. Rosalie Malroux, c’est le nom de sa tante. Elle commence à lire fiévreusement.

A suivre….

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